Commentaires sur : « Les obstacles à la simplicité et à la certitude de la médecine praticienne sont-ils insurmontables ? »
Résumé :
Alors qu’il pratiquait encore la médecine officielle, Samuel Hahnemann publia un article sur la certitude et la simplicité en médecine praticienne, dans l’esprit d’acquérir une méthode plus simple et plus sûre de guérison. L’évolution d’Hahnemann par rapport à l’état médical et sanitaire de son époque, lui permettait d’être déjà optimiste.
Rétrospectivement, les notions de certitude et de simplicité médicales ont imprégné une grande partie des écrits d’Hahnemann.
La comparaison de publications d’Hahnemann avec l’exploration d’une partie de son journal des malades a mis en évidence : la nécessité pour les patients d’une hygiène de vie dans les maladies chroniques, hygiène assez compliquée dans ses principes et son application ; la confirmation de la simplicité médicale du traitement médicamenteux ; la certitude médicale approchée par la discipline de travail, l’érudition, et la mémoire exceptionnelles d’Hahnemann.
« Les obstacles à la simplicité et à la certitude de la médecine praticienne sont-ils insurmontables ? » furent publiés dans le journal d’Hufeland de 1797.
COMPARAISON DU CONTEXTE HISTORIQUE MEDICAL ET SANITAIRE DE L’ECRIT AVEC L’ EVOLUTION PERSONNELLE D’HAHNEMANN EN 1797 :
Le contexte historique médical et sanitaire a été reconstitué à partir de l’exposé du professeur d’histoire Maurice Garden : « Société et santé vers 1800 ». (1)
« La fin du dix-huitième siècle fut marquée par une hésitation entre l’optimisme et le pessimisme »
Voici, d’après le professeur Garden, quelques raisons d’être optimiste à cette époque :
« Optimisme de la foi au progrès, de la marche en avant des Lumières, dont on a gardé le nom pour désigner le dix-huitième siècle tout entier ».
« Volonté de mieux former les matrones à l’accouchement. »
« Progrès déterminants de la chimie. »
« Les médecins, par l’observation clinique, par l’auscultation, allaient améliorer les diagnostics, en même temps qu’ils allaient essayer d’approfondir leur connaissance sur l’effet des drogues, végétales ou minérales, qu’ils avaient l’habitude d’utiliser. »
« La résignation devant la maladie et la mort reculèrent progressivement, au moins dans les couches les plus instruites de la Société. » (1)
La lutte contre la variole, par la vaccination, ne débuta qu’au début du dix-neuvième siècle.
Cependant, d’après le professeur Garden, le pessimisme semblait dominant à la fin du dix-huitième siècle, devant l’observation au quotidien de la pratique médicale et de l’état de santé de la population.
« Les médecins, même les plus sérieux, ne pouvaient guère avoir d’autre attitude que la résignation, quand ils avaient épuisé les faibles ressources de leur pharmacopée, ou de la sempiternelle saignée. »
La formation universitaire des médecins restait médiocre ou inexistante.
Cette conscience du pessimisme dans le monde médical conduisit à chercher à améliorer l’adduction d’eau potable quasi inexistante, la médiocrité de l’alimentation, l’état sanitaire de la population, la pharmacopée, et l’impuissance du corps médical devant la maladie.
« L’espérance de vie ne dépassait guère vingt-cinq ans dans toute l’Europe occidentale. »
« La pharmacie et la chirurgie ne firent pas de véritables progrès, et la situation des Hôpitaux … ne connut aucune amélioration. Les malades étaient toujours entassés dans des salles communes, … sans hygiène élémentaire. »
Il n’existait alors aucune présence médicale dans les campagnes.
Voici un extrait de la conclusion du professeur Garden :
« C’est probablement dans cette double perspective, du doute et de la foi dans un savoir renouvelé, qu’il faut placer les premières recherches d’Hahnemann… » (1)
En 1797, Hahnemann publia « les obstacles à la certitude et à la simplicité… » (2) après la lecture d’un ouvrage du docteur Herz : « Sur les usages médicaux de phellandrium aquaticum » (première partie du deuxième volume du journal de médecine pratique).
Dans l’introduction de son écrit, Hahnemann décrivit le docteur Herz comme un des médecins les plus réfléchis de son temps.
Hahnemann reprit deux citations de cet ouvrage : « Nous ne pouvons poser aucun droit à l’acquisition de l’idéal d’une méthode simple dans le traitement médical » ; « l’espoir de parvenir un jour à une méthode parfaitement simple dans notre pratique médicale ne peut être autre que très faible ». (2)
Puis Hahnemann ajouta : le docteur Herz « énumère avec une intégrité décourageante, les obstacles à l’observation pure des effets des remèdes dans les maladies diverses, et il nous laisse là, seuls dans le vieux sentier perpétuellement battu de l’art ignorant, presque sans une lueur sereine d’un avenir meilleur, une méthode plus simple et plus sûre de guérison. » (2)
Quelle était l’évolution personnelle d’Hahnemann en 1797 ?
Hahnemann publia en 1789 : « Instructions pour les chirurgiens concernant les maladies vénériennes » (3). D’après les conseils et les prescriptions de ses confrères, il y indiquait beaucoup de substances médicinales différentes isolées ou associées, et beaucoup de conseils hygiéniques, pour le traitement de ces maladies. Il affirmait cependant que le mercure seul suffisait pour le traitement médical de toutes les maladies vénériennes.
En 1792, parut la première partie de « l’ami de la santé » (2). Hahnemann décrivit des notions précises sur la contagion et l’hygiène dans les chapitres : la morsure des chiens fous, le visiteur des malades, protection contre la contagion dans les maladies épidémiques, les choses qui détériorent l’air. Un chapitre fut consacré à la diététique : conversation diététique avec mon frère. Un chapitre intitulé « endurcissement du corps » donnait des conseils précis pour les adultes puis les enfants.
En 1795, parut la deuxième partie de « l’ami de la santé » (2).
Hahnemann y élabora des projets de santé publique dans les chapitres : propositions pour l’anéantissement d’une fièvre maligne, suppléments pour la prévention des épidémies en général, spécialement dans les villes.
La mise en quarantaine des sujets contagieux, l’hygiène des lieux d’habitation, des lieux de soins, et des lieux de travail, l’hygiène du médecin et des soignants y étaient abordés de façon précise et pratique. Hahnemann présenta ses conceptions sur l’hygiène de l’eau et sa conservation, l’hygiène des fosses d’aisance, des fossés, l’hygiène de la nourriture, et l’amélioration de l’aménagement des quartiers pauvres faisant appel à la mise en œuvre des pouvoirs publics ; ces conceptions, dont la mise en place actuelle est beaucoup plus précise et élaborée, étaient d’une lucidité étonnante pour l’époque.
Dans le chapitre « une chambre d’enfants », Hahnemann proposa des conseils hygiéniques sur la propreté, le lieu de séjour, la promenade au grand air, et la nourriture des bébés et des enfants, conseils qui gardent une valeur actuelle.
En 1796, Hahnemann publia « Essai sur un nouveau principe pour découvrir les vertus curatives des substances médicinales.. » (2). Beaucoup de substances médicinales y furent citées ou décrites. Hahnemann présenta l’hypothèse suivante : « Très vraisemblablement, tout (ou presque tout) le secours qui nous fait encore défaut se trouve dans les agents médicinaux (déjà) existants ». (2)
Hahnemann y décrivit des antidotes aux empoisonnements et des contre-poisons, des interactions médicamenteuses entre deux remèdes, des remèdes à effet palliatif pour antidoter les effets indésirables produits par l’action primaire trop violente du remède.
Hahnemann avait élaboré dès cet « essai… » une méthode expérimentale rigoureuse d’étude des remèdes qui resta la méthode de base des expérimentations homéopathiques ultérieures.
En décrivant les remèdes à partir principalement des sources de la Matière médicale commune de 1796, Hahnemann était déjà probablement conscient de la pauvreté du contenu de cette Matière médicale ; mais probablement aussi plein d’espoir pour une Matière médicale future établie selon sa méthode.
Pour mémoire, Hahnemann commença à pratiquer l’homéopathie vers 1796, mais ne l’exerça vraiment qu’à partir de 1799; la première édition de l’Organon parut en 1810.
Voici la fin de l’introduction des « obstacles à la certitude et à la simplicité… » :
« Je connaissais moi-même les obstacles déclarés de notre art, au moment où je le souhaitai ; de tout temps, ils assiégèrent et restreignirent ma sphère d’action. Je me les présentai longtemps aussi comme insurmontables, et me fit presque à l’idée, de désespérer, et d’estimer ma profession de médecin comme le jeu du malheur inévitable et des obstacles fatals, quand l’idée s’éleva en moi : « ne sommes-nous pas, nous médecins, en partie fautifs de cette complexité et cette incertitude de notre art ? » (2)
N’était-ce pas là l’illustration de cette « double perspective du doute et de la foi dans un savoir renouvelé » dont nous parlait le professeur Garden ?
L’optimisme d’Hahnemann pouvait être conforté par l’avance de son évolution personnelle par rapport à son époque, et par sa considérable puissance de travail.
2. EXPLICATION DE LA SIMPLICITE ET DE LA CERTITUDE EN MEDECINE POUR HAHNEMANN DANS CET ECRIT :
Si Hahnemann a relié les notions de simplicité et de certitude en médecine, c’était dans l’esprit d’acquérir « une méthode plus simple et plus sûre de guérison ». (2)
« Je ne crois pas que ce soit la petitesse de notre connaissance, mais seulement l’application défectueuse de celle-ci, qui empêche de nous approcher de la certitude et de la simplicité en médecine. » (2)
Pour acquérir une méthode plus sûre de guérison, Hahnemann réclamait l’obéissance totale de ses patients à ses prescriptions. Sinon, aucune conclusion ne pouvait être déduite en cas de traitement infructueux.
… dans chaque cas, « l’observation du médecin apportera la certitude (de l’observance ou non du patient). En procédant de la sorte, nous avons un haut degré de certitude historique. N’est-ce pas là une sorte de certitude ? » (2)
Nous pouvons être parfaitement sûrs de la diététique et du régime de vie des malades « s’ils se confient avec une confiance absolue aux soins de leur médecin presque adoré. » « Mieux vaut ne pas avoir de patient du tout que des patients à la conduite versatile. » (2)
Hahnemann étendit la notion de certitude à la thérapeutique :
« Comment l’esprit humain peut-il porter la médecine à un plus haut degré de certitude, quand délibérément il fait agir simultanément une quantité de puissances médicinales hétérogènes contre un changement morbide du corps, sans souvent bien connaître ni la nature de ce changement, ni la manière d’agir de ces forces prises isolément et encore moins réunies ensemble ? » (2)
« J’ose soutenir que deux remèdes pris ensemble, ne manifestent presque jamais chacun leur propre action dans le corps humain, mais au contraire, une action presque toujours différente de celle des deux remèdes pris un à un … » (2)
Pour Hahnemann, la simplicité représentait sa « meilleure conviction, … la suprême loi du médecin… » (2)
« Hippocrate, comme ce grand homme était près du but de la sagesse médicale – la simplicité ! » (2)
Hahnemann décrivit la simplicité appliquée à la diététique et au régime de vie :
« Dans les maladies aiguës, l’instinct éveillé du malade est souvent considérablement plus sage, que celui du médecin qui n’interroge pas la nature… » (2)
« Nous devons assurément interdire ce que, dans tel ou tel cas, nous savons être certainement nuisible ; mais ce ne sont habituellement que des aliments uniques dans les maladies chroniques, dont la réduction graduelle (car une suppression brusque est ici toujours dangereuse), ne produit pas une grande révolution dans l’organisme… » (2)
« Si de grands changements sont à effectuer dans l’alimentation et le mode de vie, le médecin sans artifice fait mieux de voir d’abord, combien de temps la maladie peut s’améliorer par ce mode de vie et cette alimentation, avant d’ordonner le moindre remède. » (2)
Hahnemann prit l’exemple du scorbut, qui, selon lui, pouvait être le plus souvent guéri par des conseils hygiéniques seuls.
« Je ne suis pas gêné en présence de mes confrères si j’affirme avoir guéri les maladies chroniques les plus graves sans changement notable de régime. » (2)
« Je crois avoir assez fait si je conseille une stricte modération en toutes choses, ou si je fais diminuer ou éviter un article unique du mode de vie qui est à mon sens, embarrassant, par exemple les acides quand je donne stramonium, belladonna, digitalis, aconit ou hyosciamus (parce que la force de ces remèdes est complètement abolie par les acides végétaux) … (2)
Hahnemann s’en prit ensuite aux influences climatiques et météorologiques pour affirmer des règles simples :
« Après toutes sortes d’observations des meilleurs médecins … nous ne trouvons pas des principes médicaux tout à fait opposés dans des climats différents » … « Ce n’est pas la nature du procédé curatif, mais seulement son degré qui varie en fonction des différences de climat, et ces différences sont calculables. » (2)…
« La force vitale et les médicaments adaptés vainquent toute influence que ces fines nuances de différences pourraient exercer. » (2)
Hahnemann décrivit la notion de simplicité appliquée à la thérapeutique
« Je considère beaucoup plus réalisable de dissiper les sentiments moroses du mélancolique par des remèdes que de le débarrasser des innombrables peines du monde physique et moral, ou seulement de l’en dissuader. » (2)
« Quiconque me voit donner aujourd’hui un médicament différent de celui de la veille, et le lendemain un autre encore, remarque que je suis hésitant dans le procédé de guérison (car je ne suis qu’un faible mortel) ; mais s’il me voit mêler ensemble deux ou trois substances en une seule prescription (cela a bien eu lieu parfois autrefois), il dit assurément : « Cet homme est embarrassé, il ne sait pas au juste ce qu’il veut ; il hésite. S’il savait qu’un de ces remèdes était le bon, il n’y ajouterait pas le second et encore moins le troisième.
« Que pourrais-je y objecter ? La main sur la bouche ! » (2)
« … depuis plusieurs années, je n’ai jamais rien prescrit d’autre qu’un seul remède à la fois, et je ne l’ai jamais répété avant que l’effet de la dose précédente fut épuisé. » (2)
« Si je n’avais pas su qu’autour de moi, les hommes les plus respectables étaient en marche, dans les limites de la simplicité, vers le seul but sublime, ces hommes qui justifiaient ma maxime par une manière d’agir ressemblante, je n’aurais vraiment pas osé confesser cette hérésie. » (2)
A la fin de son écrit, Hahnemann revint à l’ouvrage du docteur Herz qui, malgré son pessimisme, avait décrit deux cas cliniques où phellandrium donné seul avait guéri.
« Que donnerait à présent le docteur Herz dans les deux cas où il a prescrit phellandrium seul, et qui ont été suivis du même succès ! » (2)
3. DESCRIPTION DE L’EVOLUTION DE LA CERTITUDE ET DE LA SIMPLICITE EN MEDECINE DANS LES PUBLICATIONS DE HAHNEMANN ETUDIEES PAR L’AUTEUR :
- Instructions pour les chirurgiens concernant les maladies vénériennes… (1789) (3) :
Paragraphe 563 : « …le mercure est le seul remède qui chasse toutes les sortes d’affections vénériennes avec certitude, si bien que nous n’avons pas besoin de chercher aucun autre remède pour les maladies vénériennes… »
- L’ami de la santé (1792-1795) (2) :
Dans l’article appelé « une chambre d’enfants », Hahnemann décrivit des enfants malades vivant dans un milieu malsain et mal nourris ; Hahnemann ne donna que des conseils hygiéniques à la mère sans prescription médicamenteuse.
Dans l’article appelé « sur le choix d’un médecin de famille », Hahnemann conseilla : « un homme … qui ne prescrit que peu de remèdes, habituellement un remède unique dans son état brut… »
- Essai sur un nouveau principe … (1796) (2) :
« Dans mes additions à la Matière médicale de Cullen, j’ai déjà fait observer que le quinquina, donné à fortes doses chez des individus sensibles cependant sains, produit une vraie attaque de fièvre …, et pour cette raison, vraisemblablement il la surpasse et la guérit. A présent, après mûre expérience, j’ajoute, pas seulement vraisemblablement mais tout à fait certainement. »
La certitude en médecine représentait pour Hahnemann dans cette publication « le fruit de la réflexion, de la critique et de l’ expérience. »
- La médecine de l’expérience (1805) (2) :
« L’influence du régime de vie et de la diète sur les guérisons ne doit pas être méconnue ; mais le médecin ne doit en prendre la conduite que dans les maladies chroniques…Car dans les maladies aiguës (excepté l’état de délire complet), le tact fin et infaillible, des sens internes de la conservation de la vie ici éveillés, décide si clairement, si précisément, si conformément à la nature, que le médecin doit juste faire comprendre aux garde-malades de ne déposer sur le chemin de cette voix de la nature aucun obstacle par refus, exagération ou proposition nuisible et importunité. »
- Sources de la Matière médicale ordinaire (1817) (2) :
« Il est certain qu’un seul remède à la fois suffit toujours pour le traitement raisonnable et utile d’un cas de maladie. »
- Sur le peu de charité envers les malades suicidaires (1819) (2) :
« Le suicide … pourrait être toujours guéri avec certitude si on connaissait les pouvoirs médicinaux de l’or pur pour la guérison de cette triste condition. La plus petite dose d’or pulvérisé … enlève immédiatement et de façon permanente cet état effrayant (du corps) et de l’esprit … »
- Une réminiscence (1818) (2) :
« Les efforts les plus zélés de celui qui se dévoue au secours des malades (un médecin), doivent désormais, avant toute chose, être dirigés pour obtenir les rudiments des propriétés et des effets des remèdes, moyens par lesquels il peut accomplir la guérison ou l’amélioration de chaque cas individuel de maladie avec le plus de certitude possible… »
« Actuellement, il est impossible que les changements de l’état de santé de l’homme que les remèdes sont capables de manifester puissent être reconnus et perçus d’une manière plus pure, plus certaine, et plus complète au monde que par l’effet des remèdes sur des individus sains… »
« Il ne nous reste que la voie simple de la nature pour établir clairement, avec pureté, et avec certitude les effets des remèdes sur l’homme, c’est à dire les altérations qu’ils sont capables d’effectuer sur sa santé, – la seule voie authentique et simple de la nature : administrer les remèdes à des personnes saines suffisamment attentives… »
- Les maladies chroniques (1835-1839) (4) :
« La modération en tout, même à l’égard des choses les plus innocentes, est un devoir capital pour les personnes atteintes de maladies chroniques. »
« Quant à ce qui concerne le régime de vie, les hommes de toutes classes qui veulent se débarrasser d’une maladie chronique doivent s’astreindre à quelques privations. »
Les conseils d’hygiène de vie dans les maladies chroniques, étaient, dans cet ouvrage, tout comme dans l’Organon d’ailleurs, très élaborés, voire assez compliqués pour la diététique par exemple.
- L’Organon, sixième édition posthume (5) :
Paragraphe 135 :
« On n’a la certitude des symptômes qu’un remède peut susciter, c’est à dire des facultés pures qu’il possède pour changer l’état de santé de l’homme, que quand les personnes qui en font l’essai les fois suivantes remarquent peu de nouveaux symptômes auxquels il donne naissance, et observent presque toujours, seulement les mêmes symptômes qui avaient déjà été observés par d’autres avant elles. »
Hahnemann reprit les idées exprimées dans la médecine de l’expérience sur la diététique et le régime de vie dans les maladies aiguës (paragraphes 262 et 263). Il ajouta : « On aura soin d’éviter au malade aigu tout effort mental ainsi que tout bouleversement de l’âme. »
Hahnemann distingua, en plus des maladies aiguës et des maladies chroniques, les maladies chroniques artificielles, liées à des fautes entretenues d’hygiène de vie, et qui ne relevaient que des prescriptions hygiéniques.
Paragraphe 273 :
« Il n’est en aucun cas nécessaire d’employer plus d’une seule substance médicamenteuse unique à la fois dans une maladie. »…
« Dans l’homéopathie, le seul art de guérir vrai, simple, le seul conforme à la nature, il est absolument interdit d’administrer au malade deux substances médicamenteuses différentes à la fois. »
En conclusion de ce chapitre :
La simplicité médicale appliquée à la diététique et au régime de vie avait pour caractéristique générale une stricte modération en toutes choses. Après 1797, les conseils diététiques hygiéniques restèrent limités ou inutiles dans les maladies aiguës ; ils devinrent nécessaires et élaborés voire compliqués dans les maladies artificielles provoquées par les fautes d’hygiène et dans les maladies chroniques proprement dites.
Dans les publications d’Hahnemann que j’ai étudiées, la certitude médicale de l’observance des patients, ne fut pas décrite ailleurs que dans cet écrit de 1797.
La simplicité médicale appliquée à la thérapeutique resta une constante dans les écrits d’Hahnemann, avec l’affirmation de la nécessité de la prescription d’un seul remède à la fois.
La certitude des symptômes produits par les remèdes, non explorée en 1797, fut obtenue ultérieurement par l’expérimentation chez l’homme sain, si possible répétée, d’un remède à la fois. La connaissance de la Matière médicale homéopathique par le médecin lui assurait une plus grande certitude de l’action de son traitement.
4. ANALYSE DE LA MISE EN PRATIQUE DE LA CERTITUDE ET DE LA SIMPLICITE EN MEDECINE DANS LES DIX PREMIERS LIVRES DE CONSULTATION DE SAMUEL ET MELANIE HAHNEMANN A PARIS (DF2, DF2A, DF3, DF4, DF5, DF6, DF7, DF8, DF9, DF10) :
- Conseils hygiéniques et diététiques :
Je n’ai pas retrouvé de conseil hygiénique ou diététique pour les maladies aiguës.
Les conseils hygiéniques d’Hahnemann ont été développés dans l’exposé : quelques principes hygiéniques d’Hahnemann à l’épreuve du temps.
- Prescriptions :
La prescription d’un seul remède à la fois fut constamment retrouvée chez Samuel Hahnemann. D’une consultation à l’autre, Hahnemann changeait parfois de remède, et certains malades chroniques recevaient parfois un nombre important de remèdes différents successifs.
Hahnemann prescrivait parfois deux remèdes à prendre successivement. Je n’ai retrouvé que très rarement une prescription d’alternance vraie entre deux remèdes actifs.
Note de lecture du journal des malades (DF4, page 77), écriture de Mélanie en gros caractères pour la circonstance : « Cette maladie sera excessivement longue et difficile à guérir à cause de l’énorme perturbation qui existe dans la circulation… Je n’entreprendrai pas de soigner cette malade à moins d’être assuré qu’elle restera avec moi aussi longtemps qu’il sera nécessaire et au moins pendant deux ans ».
- Surveillance de l’observance de l’hygiène et du traitement :
Le rythme de surveillance des patients était le plus souvent hebdomadaire, par consultation au cabinet d’Hahnemann ou par courrier.
L’observance des conseils hygiéniques précédemment souhaités, était notée soigneusement, que les conseils soient suivis ou non.
L’observance du traitement médicamenteux était notée avec le même soin, avec les rythmes de prise du remède et la posologie reçue.
- Résultats des prescriptions :
La patiente dont Samuel et Mélanie Hahnemann avaient demandé au moins deux ans de prise en charge, ne revint plus après treize consultations réparties sur un peu plus de trois mois.
Les prescriptions hygiéniques furent souvent assez bien suivies les premières semaines ou les premiers mois. Si elles étaient trop contraignantes ou trop compliquées pour le malade, elles étaient abandonnées, et souvent le patient ne revenait plus consulter.
Les prescriptions médicamenteuses étaient habituellement bien suivies, et l’observation, par le patient ou son entourage, de ses réactions, était souvent bien rapportée et retranscrite.
Les cures réussies firent souvent appel à plusieurs remèdes successifs.
En conclusion sur le journal des malades :
Les conseils hygiéniques furent rarement suivis à long terme quand ils étaient trop compliqués ou trop contraignants pour les patients.
La simplicité médicale du traitement médicamenteux fut presque toujours retrouvée : un remède à la fois, avec souvent une posologie simple.
La certitude médicale des symptômes produits par les remèdes était approchée par la discipline de travail, l’érudition et la mémoire d’Hahnemann.
L’observance des patients était imprévisible à l’avance, mais sa recherche soigneuse à chaque consultation la rapprochait d’une certitude médicale.
Enfin, les résultats décrits représentaient un peu plus de 4000 pages du journal des malades, alors que la série française en compte plus de 7000, et la série allemande encore bien davantage. Ces résultats n’étaient donc que parcellaires, et peu représentatifs de l’ensemble du travail de consultation d’Hahnemann en Allemagne puis en France.
CONCLUSION GENERALE ET PROVISOIRE :
La fin du dix-huitième siècle se plaçait dans « une double perspective du doute et de la foi dans un savoir renouvelé » (1). L’évolution personnelle d’Hahnemann par rapport à l’état médical et sanitaire de son époque lui donna l’espoir d’acquérir « une méthode plus simple et plus sûre de guérison. » (2
La simplicité et la certitude médicale furent développées dans cet écrit sur des principes hahnemanniens basés sur l’expérience et l’observation.
Les autres écrits d’Hahnemann que j’ai étudiés, portant sur la simplicité et la certitude de la médecine praticienne révélèrent :
- un désir de stricte modération dans l’hygiène de vie dans les maladies chroniques,
- la nécessité de la prescription d’un seul remède à la fois,
- la recherche d’une plus grande certitude médicale des symptômes produits par les remèdes.
L’exploration d’une partie du journal des malades de Samuel et Mélanie Hahnemann à Paris apporta :
- la confirmation de règles précises d’hygiène de vie dans les maladies chroniques,
- la confirmation de la simplicité médicale du traitement médicamenteux,
- la mise en évidence d’une discipline assidue de travail, d’une érudition et d’une mémoire exceptionnelles d’Hahnemann, et
- la mise en évidence de la guérison souvent incertaine et difficile des malades traités.
REFERENCES
(1) Garden M. Santé et société vers 1800. Recueil des communications du congrès national d’homéopathie. Annecy : Société Hahnemannienne Dauphiné-Savoie, 1996 : 93-97.
(2) Hahnemann S. Gesammelte kleine Schriften; herausgegeben von J.M. Schmidt und D. Kaiser. Heidelberg: Haug, 2001: 119-149; 171-200; 212-250; 254-264; 416; 701-708.
(3) Hahnemann S. Unterricht für Wundärzte über die venerischen Krankheiten. Leipzig: 1789: 224.
(4) Hahnemann S. Die chronischen Krankheiten. Band 1. Heidelberg: Haug, 1995.
(5) Hahnemann S. Organon der Heilkunst. Bearbeitet und herausgegeben von J.M. Schimdt. Heidelberg: Haug, 1992.
REMERCIEMENTS
Merci à Maurice Garden pour la lecture critique de ce texte avant sa publication.
Merci à l’Institut für Geschichte der Medizin der Robert Bosch Stiftung, Strassweg 17, Stuttgart, Allemagne, qui m’a permis de publier des extraits du journal des malades d’Hahnemann et pour les photocopies d’ « instructions pour les chirurgiens… ».
Summary :
At the time when he was still practising official medicine, Hahnemann published an article about certainty and simplicity in practical medicine, with in mind the purpose of acquiring a method of healing both more simple and more secure. Hahnemann’s advance in comparison with the medical and sanitary context of his time, enabled him to be already optimistic.
In retrospect, I could notice that the notions of certainty and simplicity in medicine were almost omnipresent in Hahnemann’s writings.
The comparison I made between Hahnemann’s publications and part of his patients’ diaries in Paris put to the fore several elements, which were: the necessity of a healthy life for the patients suffering from a chronic disease; the confirmation of a simplicity in the medical treatment which was prescribed; Hahnemann’s exceptional discipline in his work, erudition and memory, paving the way for medical certainty.
source: Planète-homéo