Lorsqu’un groupe de symptômes se présente chez un patient, il est parfois difficile de reconnaître les symptômes spécifiques qui indiquent le remède. Peu de prescripteurs auraient retenu le symptôme « battement des ailes du nez » comme étant caractéristique dans un cas de pneumonie comme Mr Wilson l’a fait. Cette sélection a été faite par l’expérience de plusieurs années et non selon la prééminence accordée au symptôme dans le proving.
Son expérience clinique lui a été bénéfique. J’ai moi-même guéri deux cas de pneumonies avec Lycopodium à la 30ème dynamisation. Les deux cas étaient des cas de pneumonie chez des enfants en mauvaise santé, après une scarlatine traitée par allopathie.
Il m’est venu à l’idée d’enregistrer quelques cas, ou l’expérience clinique a démontré l’importance de certains symptômes et la nécessité de les considérer comme caractéristiques.
Le 2 septembre 1863, je consulte Sophia W, une jeune femme de 17 ans. Depuis douze mois, sa santé et ses forces s’épuisent. L’expression du visage est anémique. Les règles sont apparues une fois, douze mois auparavant, plus depuis. Elle est très gênée par des leucorrhées comme du blanc d’œuf. Les douleurs partent du pubis vers le dos. Des douleurs aigües de la tête, une fois par semaine, parfois plus. La douleur affecte la vision. Photophobie pendant le mal de tête et pupilles dilatées. Etant donné l’état anémique de cette patiente, ainsi que ses leucorrhées, je prescris Pulsatilla à la troisième décimale, 1 globule trois fois par jour pendant une semaine.
Le 16 septembre, aucune amélioration et elle se plaint de douleurs après manger. Les symptômes de la tête et des yeux m’ont ensuite poussé à prescrire Belladonna à la douzième dynamisation, un globule deux fois par jour pendant une semaine.
Le 23, elle dit se sentir mieux. Je demande de continuer Belladonna. Lors de la visite suivante, elle se porte bien.
Le Dr Tessier fait observer très justement, qu’il est très rare de trouver un remède unique qui soit homoéopathiquement indiqué tout au long d’une maladie. De même que vous trouverez très rarement un remède qui couvrira tous les symptômes simultanément présents. Bien qu’un remède couvre presque l’intégralité d’un cas, nous trouverons donc très souvent nécessaire de donner un second remède pour traiter les symptômes restants.
La difficulté de trouver un remède unique qui puisse véritablement couvrir l’intégralité des symptômes a poussé la plupart de nos confrères à utiliser l’alternance de remèdes. D’autres ont même étés poussés à traiter les maladies « pathologiquement » de façon allopathique. Un nombre plus restreint ont suivi le Dr Lutze, dans le mélange de remèdes, pratique sanctionnée par Hahnemann lui-même.
Les cas suivants démontrent l’utilité du deuxième médicament.
L’admiration et le respect que j’éprouve pour nos grands prédécesseurs ne cesse de grandir depuis que nous découvrons les trésors de l’American Observer. Dans quelles conditions parvenaient-ils à traiter! Il n’y avait pas encore l’Encyclopédie, le seul répertoire était celui de Boenninghausen qui rendait déjà de grands services.
La prescription était limitée par le petit nombre de médicaments connus, et par l’accès limité à la matière médicale. La prescription se faisait à l’aide d’un ou deux signes caractéristiques, que l’on appelle keynotes.
Kent plus tard, visera à améliorer la sécurité de la prescription en incluant les signes généraux, notamment mentaux, du cas dans le but d’augmenter l’homéopathicité de la prescription.
Hélas, aujourd’hui on a tellement exagéré et mal compris cette démarche que les prescriptions ne se basent bientôt plus sur rien d’autres que les signes mentaux. C’est une offense à la médecine que de ne se baser que sur la psychologie, toujours interprétable, et d’oublier que nous vivons dans un corps qui présente lui aussi des signes qui reflètent la totalité désorganisée du patient.
Une fois encore l’immortel Hahnemann nous dépasse quand il enseigne qu’il faut tenir compte de l’ensemble des symptômes physiques et des modification de l’état mental du malade. Son génie a été de nous laisser un système ouvert, sans dogme. L’idée générale est que ne pouvant toucher ni voir directement l’origine de la maladie nous sommes toujours obligés de nous baser sur un faisceau d’arguments convergents. C’est donc un assemblage de faits relatifs qui amène à la prescription. L’absence de repères absolus est souvent incompatible avec l’anxiété de nombreux esprits. C’est pourquoi plein de gens ont érigé des vérités relatives en vérités absolues et voulu créer leur propre système “infaillible”.
Les uns ne s’occupent que des signes mentaux, ou sont vraiment convaincus de pouvoir résumer l’action d’une drogue à un petit raccourci. Les autres décrètent que les vaccins sont responsables de tous les maux et ne font que s’acharner à “détoxifier” leurs patients. D’autres ne font que des prescriptions routinières basées sur un seul signe. Etc.
L”irradiation de la douleur du pubis vers le dos est une caractéristique majeure de Belladonna (Gels., Graph.) confirmée par l’accumulation d’observations depuis l’époque où ce texte a été écrit. L’auteur, n’a pas su ici exploiter ce singe précieux. Aujourd’hui un simple coup d’oeil sur la rubrique du répertoire nous ferait donner Belladonna sans hésiter puisque c’est le seul présenter aussi la photophobie et les pupilles dilatées durant la céphalée. Cependant Bayes, qui n’est à l’époque homéopathe que depuis 7 ans environ, se plante lamentablement en prescrivant Pulsatilla car il veut traiter selon une indication pathologique, l’anémie, sans comprendre que les signes caractéristiques sont nos meilleurs guides. Il se fera tancer dans The Monthly Homoeopath Review en novembre 1863, dans un brillant article qui reste incroyable d’actualité. En effet, on observe toujours et encore aujourd’hui les mêmes opinions, les mêmes déviations, les mêmes a priori, tous basés sur une étude insuffisante de l’Organon.
Notez cependant, au vu de la dégradation massive de l’état de santé de la population à l’heure actuelle, que vous ne risquez plus guère de rencontrer des cas de ce genre appelant Belladonna. Ces constitutions robustes ont tout simplement disparu…
Sarah P., 34 ans. Vue la première fois le 4 septembre 1863. Prise de frissons, courbatures dans les membres, puis, d’une douleur à la gorge et de la fièvre. La scarlatine est très présente dans la région. Les amygdales et la luette sont rouges, oedématiés et enflammées. Je prescris Belladonna à la 12ème dynamisation, dix huit globules, dissouts dans une demi-pinte d’eau. Une cuillère à café toute les trois ou quatre heures.
Le 9 septembre, la patiente allait mieux sur le plan général. Plus de symptôme fébrile, mais la gorge restait douloureuse. Je donne à nouveau Belladonna, mais à la 3ème dynamisation, un globule trois fois par jour.
Le 18 septembre, plus de douleurs de la gorge, mais la sensation suffocante persiste. Je prescris Pulsatilla, 12ème dynamisation, qui guérit la sensation de suffocation et la patiente se porta bien.
Admirez ici encore l’élégance de la prescription de nos anciens. Belladonna est indiscutablement indiqué au départ, signes généraux, rougeur et oedème; avec confirmation d’après la pathologie “scarlatine”. La posologie peut se discuter mais voyez avec quelle finesse on note un symptome résiduel qui ne cède pas au premier médicament prescrit.
C’est alors le moment de donner le médicament numéro deux, en l’occurrence Pulsatilla. Tous nos confères seront étonnés par la prescription car de nos jours on a complètement perdu ces indications. La matière médicale nous dit pourtant que c’est un signe majeur de Pulsatilla: étranglement en avalant des solides.
Le cas suivant démontre, d’une autre manière, la sottise de changer un remède, dans l’intention d’accélérer la guérison, à moins qu’il n’y ait une raison réellement valable.
James S., 65 ans. Vu pour la première fois le 4 septembre 1863. Sujet à une toux chronique depuis plus de deux ans. La toux, sèche, survient la nuit, par accès affligeants, qui ne sont pas améliorés jusqu’à ce qu’il expectore vers la fin de la quinte des expectorations écumeuses, blanches, tenaces et gluantes. La langue est rouge et propre. L’action cardiaque est normale. Les selles sont confinées. Le patient est mince et pâle. Je prescris Lachesis 12ème dynamisation, un globule trois fois par jour, (Symptôme caractéristique « Quintes de toux sèche, améliorées vers la fin, en expectorant des mucosités mousseuses, tenaces et gluantes »).
Le 9 septembre. Amélioration notable. Dort bien. Moins de toux et d’expectorations. On continue Lachesis 12ème dynamisation.
Le 18 septembre, toujours en amélioration. Les selles sont régulières. Cependant, sa complexion pâle et les légers symptômes de congestion veineuse m’ont fait prescrire Pulsatilla 3ème dynamisation, un globule trois fois par jour.
Le 23 septembre, le patient ne va pas bien. La toux s’est accentuée. Je prescris à nouveau Lachesis 6ème dynamisation, un globule trois fois par jour.
Le 30, amélioration générale, on continue.
Le 14 octobre, en convalescence. La toux et les expectorations ont presque cessé. On continue Lachesis 6ème dynamisation, un globule deux fois par jour.
Le 21 octobre, guérison. Le patient n’était pas bien depuis des années. Ce cas présente un point d’intérêt ; alors qu’il nous démontre décisivement l’action de Lachesis lorsqu’il est bien indiqué. La valeur de Lachesis à été démentie par certains de nos confrères transatlantiques. Ce cas n’est qu’un parmi tant d’autres où j’ai pu apprécier Lachesis.
Harriet P., 36 ans. Le 4 septembre 1863, de complexion brune et bilieuse. Les glandes cervicales sont indurées, sur le côté droit du cou. Douleur dans la région du foie qui s’étend à l’épaule droite. Douleur après manger. Pyrosis plusieurs fois par jour. Je prescris Mercurius-iodatus [flavus. NDE], un globule deux fois par jour. (Symptôme caractéristique : Hypertrophie des glandes et douleurs hépatiques.)
Le 11 septembre, les ganglions sont moindres et mous. Les symptômes hépatiques sont guéris. Les symptômes de la dyspepsie restent inchangés. Pyrosis plusieurs fois par jour accompagnées d’une importante douleur dans l’épigastre immédiatement après chaque repas. Prescris Veratrum 6ème dynamisation, un globule deux fois par jour. (Symptôme caractéristique : Gastralgie et pyrosis.)
Le 18 septembre, pas de pyrosis. Amélioration générale. Prescris Veratrum, 12ème dynamisation, un globule deux fois par jour. Le 2 octobre, dit se porter bien.
Dans ce cas, nous pouvons raisonnablement conclure que les deux médicaments auraient guéri le patient plus promptement s’ils avaient été administrés en alternance.
Eliza. A., 23 ans. Le 4 septembre. Jeune femme vigoureuse, cependant de complexion pâle et anémique. Souffre de sévères névralgies du côté gauche de la face et de la tête. La douleur survient avec une grande chaleur et rougeur du visage. La douleur est périodique, régulièrement tous les deux jours à 14h00 et persiste jusqu’à ce qu’elle soit couchée un certain moment. Elle s’endort ensuite, puis le lendemain est exempte de douleurs avec tout de même de la faiblesse. Je prescris China 12ème dynamisation, dix-huit globules dissouts dans une demie-pinte d’eau, une cuillère trois fois par jour. (Symptôme caractéristique Périodicité)
Le 9, pas d’amélioration mais des douleurs de la gorge en plus. Prescris Belladonna 3ème dynamisation, un globule toutes les quatre heures. (Symptôme caractéristique Douleurs de la gorge, face empourprée et périodicité ; débutant dans l’après-midi.)
Le 11, nette amélioration. Les crises sont repoussées jusqu’à 19h00 et ne durent que trois heures, de manière amoindries. Je prescris Belladonna à la 3ème décimale, quatre gouttes dans une demi pinte d’eau, une cuillère toute les quatre heures. Plus de crises après cela et le patient que je croisais quelques semaines plus tard, se portait parfaitement bien et avait l’air résistant et en bonne santé.
Dans aucun de ces cas je n’ai ordonné de changement de régime alimentaire, ce n’est pas dans mon habitude, à moins que cela ne soit absolument nécessaire.
Certains lecteurs seront étonnés de la mention concernant le régime alimentaire. C’est qu’à l’époque, les opposants de l’homéopathie avaient déterminé que c’étaient les régimes alimentaires prescrits dans certains cas par Hahnemann qui avaient amené les guérisons observées et non pas bien sûr l’eau diluée qu’il administrait.
EB.
Par le Dr Bayes (Americam Homoeopathic Observer, V2N4); Trad Cathy Mayer; Commentaires EB.